Honda France : Suite pressions, il tente de se suicider

Parce qu’il ne voulait pas exécuter un ordre de sa hiérarchie, qu’il jugeait contraire à la loi, un employé de la multinationale Honda a démissionné avant de tenter de se suicider sur son lieu de travail pendant son préavis. Les faits remontent au 6 mars, devant l’entrée de la filiale française du géant japonais de l’automobile et de la moto, implantée à Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne).

Ce jour-là, Eric Duhamel, 44 ans, salarié chez le constructeur automobile depuis près de treize ans, a perdu la maîtrise de lui-même. « J’arrivais Chez Honda France et j’ai vu le panneau de la firme en haut du mur d’entrée. J’ai détaché ma ceinture de sécurité et j’ai foncé droit devant. J’avais le sentiment de ne plus servir à rien, j’avais tout perdu et je voulais en finir… »

Désincarcéré de son véhicule par les pompiers après s’être lancé contre la barrière d’entrée de l’entreprise, Eric Duhamel est ensuite conduit à l’hôpital, par hélicoptère. « J’ai été placé en soins intensifs, je souffrais d’un traumatisme crânien et de contusions aux jambes, poursuit-il. Je n’ai finalement pas été trop blessé. »

La raison de son geste? « J’étais sous la pression de ma hiérarchie depuis le mois de janvier, relate-t-il. Mon chef de service voulait me faire installer sur le dernier scooter de la gamme 50 cm3 un kit variateur pour en augmenter la vitesse. Ce deux-roues roule à un peu moins de 45 km/h. Avec ce variateur, il pouvait dépasser les 55 km/h. Si j’exécutais cet ordre, je me mettais hors la loi. J’ai donc refusé. » Eric Duhamel indique avoir alors subi des « demandes répétées et insistantes » de sa hiérarchie avant de céder. Le 15 février, ce responsable technique finit par mettre en place ce kit. « Mais dès le lendemain, j’ai remis ma démission, car je ne voulais pas me rendre complice d’un tel acte, explique Eric Duhamel. Voir des jeunes enfourcher ce deux-roues avec ce kit et se blesser en ne maîtrisant pas la vitesse, je ne pouvais pas. Je suis un passionné de moto et j’ai toujours travaillé pour la sécurité des clients de Honda. J’ai donc fait remonter l’information au plus haut niveau. On m’a répondu que c’était la loi du business… »

Pour son avocat, Me Sven Rauline, l’intérêt pour Honda était de pouvoir proposer un scooter « plus compétitif » sur un marché très concurrentiel. « L’idée était ensuite d’expliquer aux concessionnaires de la firme que si un client était intéressé par ce deux-roues, il pouvait en augmenter les performances en installant ce kit, estime-t-il. Ce matériel a également été testé en toute illégalité par la firme, puisqu’un employé a roulé sur la voie publique, sans les plaques d’immatriculation idoines. »

Eric Duhamel a finalement déposé plainte pour « harcèlement moral » auprès du procureur de la République de Meaux, contre son ex-employeur. Une seconde procédure devant le conseil de prud’hommes est en cours. Sollicité, à plusieurs reprises, Honda France n’a pas donné suite à nos appels. Mais sous couvert d’anonymat, une source proche de la direction nous a indiqué que dans cette affaire, « nous avons nos preuves, nos éléments, nous sommes plutôt bien ». « Cette histoire de harcèlement moral n’a pas lieu d’être, soutient la même source. La demande d’installer ce kit était tout à fait légale, nous nous sommes renseignés. Nous attendons le déroulement de la procédure judiciaire. »